Le vallon des Encanaux (13).
Situation : Le vallon des Encanaux, commune d’Auriol (13), se trouve sur le flanc Nord du dôme de la Lare, au nord de la Sainte Baume.-ph1.
La Sainte Baume avec ses 1148m d’altitude, est le plus haut sommet de la Provence du sud. C’est un château d’eau ; les principales rivières y prennent leur source : l’Huveaune, l’Argens, le Gapeau, l’Issole, le Cauron, affluent du Caramy.
Le dôme de la Lare est un anticlinal d’axe N40, à noyau de bathonien (Jmoyen). Le Jsup, constitué de calcaires et de calcaires dolomitiques, affleure abondamment ; on y trouve également du valanginien (Crétacé inf).
Au Sud, le synclinal du Plan d’Aups, crétacé sup, en grande partie santonien, repose en discordance sur le valanginien de la Lare. Ce synclinal est recouvert en partie par la nappe de Roqueforcade. –ph2.
Ces deux unités constituent l’unité autochtone de la Sainte Baume (voir page Sainte Baume).
On se trouve à la limite du bombement Provençal émergé et du bassin Sud- Provençal. Témoins de cette émersion : les poches de bauxite sur le massif de la Lare dont une, ici, dans le vallon des Encanaux, entre le Jsup et le santonien qui est décalé par une faille normale oligocène. –ph3.
En fait, ce sont 3 ruisseaux qui entaillent le flanc Nord de l’anticlinal de la Lare : le ruisseau des Encanaux, le ruisseau de l’Infernet, le ruisseau de Daurengue ; ils se réunissent au niveau du parking pour former la Vède, affluent de rive gauche de l’Huveaune, à l’entrée d’Auriol. –ph3. La photo 4 montre l’étendue du bassin versant de ces ruisseaux.
Le circuit : au niveau du pont, tout près du parking, la Vède s’écoule dans le vallon calme et ombragé. –ph5.
Arrêt 1. La glacière au-dessus du ruisseau de Daurengue.
Le massif de la Sainte Baume abritait une vingtaine de glacières qui permettaient d’approvisionner un territoire allant de Marseille à Toulon jusqu’à l’arrivée du réfrigérateur vers 1950. L’emplacement choisi est un lieu froid en hiver et frais en été.
La glacière est un puits profond de 8 m environ, encastré dans la pente. Le mur du puits est constitué de pierres liées par de la chaux. Ces pierres sont des calcaires santoniens qu’on trouve tout à côté. Une coupole en pierre faisait office de toit. Un petit conduit débouchait au-dessus du ruisseau et évacuait les eaux de fonte de la glace emmagasinée, surtout en été. En hiver on récupérait la glace aux alentours, puis dans des petits bassins creusés pour faire geler de l’eau. –ph6 à 9.
Arrêt 2. Source de la glacière.
Dans le ruisseau, la source apparaît sous un tombant, cascade à sec en ce moment, car le ruisseau de Daurengue a une autre source plus en amont : la source des Brailles qui est temporaire. –ph10-11.
Ce petit cours d’eau présente des structures en forme de vasques appelées gours. –ph12-13.
On peut voir de près ces vasques au niveau de la cascade à sec. –ph14-15.
Ces gours présentent côté aval, une bordure en forme de vasque. La roche est du travertin qui se forme par précipitation de calcaire (carbonate de calcium) suite au dégazage à la sortie de la source, puis par prélèvement de CO2 par les organismes qui pratiquent la photosynthèse (mousses, cyanophycées) et qui tapissent le fond du ruisseau.
Rappel : le calcaire se dissout en présence d’eau légèrement acide. L’acide est apporté par la respiration des êtres vivants (surtout racines et micro-organismes). La réaction est réversible si le CO2 est prélevé dans l’eau par baisse de pression, augmentation de température ou photosynthèse.
Réaction chimique :
Respiration photosynthèse
……………………….↓ ↑
CaCO3 + H2O + CO2 ───→ Ca++ + 2HCO3–
Calcaire solide ←−─── bicarbonate de calcium soluble
Tout ce qui est sur le passage de l’eau est peu à peu pétrifié, comme cette branche en partie prise dans le travertin, ou ces racines. Le travertin est formé de lamines superposées qui recouvrent les rochers et les végétaux dans le lit du ruisseau ; les lamines sont très redressées à la sortie de la vasque. –ph16 à 19.
Arrêt 3. Ancien gour sur le chemin de la glacière.
Le chemin qui conduit à la glacière a traversé, lors de sa création, un ancien gour qui montre que la rivière coulait plus haut qu’aujourd’hui et que, depuis, elle a continué à creuser sa vallée pour trouver son profil d’équilibre.-ph20.
En regardant de plus près, il me semble qu’il y a, en fait, deux vasques.la deuxième étant provoquée par la formation d’un barrage de branches tombées sur la première vasque et non déblayées. Du travertin a été déposé sur ces branches, puis l’eau a débordé par-dessus, formant ainsi une deuxième vasque. –ph21-22.
Arrêts 4. Le long du chemin.
Depuis la glacière jusqu’au pont des Encanaux (jonction des ruisseaux des Encanaux et de l’Infernet), on peut voir les roches du jurassique supérieur et du crétacé supérieur. -ph 3-carte.
Le Jsup est constitué de roches massives, blanches à la cassure. L’eau ruisselle le long de la paroi verticale et dépose de la calcite en lamines semblable à du travertin et des petites concrétions de calcite. –ph23 à 25. Du calcaire s’était donc dissout au passage de l’eau ; ces concrétions révèlent une érosion karstique en amont.
Le crétacé sup (Santonien), est constitué d’une alternance de couches marneuses et calcaires qui contiennent des fossiles de rudistes (mollusques bivalves). –ph26 à 29.
On peut reconnaître des Hippurites à leurs piliers, d’autres rudistes sans piliers, des Nérinées (gastéropodes). Les rudistes ont disparu un peu avant la fin du crétacé sup et témoignent d’un environnement de PFC (plateforme carbonatée).
On peut constater –ph27-28-30- que les rudistes ne sont pas en position de vie : ils sont couchés tous dans le même sens. ; un paléocourant les a déposés en ce lieu qui devait être abrité et où ils se sont conservés –ph31-32. La photo 33 montre la largeur de ce paléocourant.
Arrêt 5. Bauxite.
En rive droite du ruisseau des Encanaux, on peut voir à travers les arbres et dans le Jsup, des taches rouges. Il s’agit de haldes de la mine de bauxite. La bauxite est rendue visible dans ce secteur de la Lare par le jeu de failles normales à l’oligocène. -ph34-carte 3-35.
Le chemin passe dans le Jsup dolomitique en bancs assez massifs ; la stratification est en partie effacée par la dolomitisation. -ph36.
Une faille normale affecte le Jsup. Son miroir peut-être une partie de la paroi d’une cavité karstique remplie par la bauxite, il y a encore la brèche et la bauxite pisolitique (granoclassement au bord de la cavité). –ph37-38-39.
Cette FN a eu également un jeu décrochant visible sur un miroir de la FN (cannelures) et dans la bauxite (stries). –ph 40-41. La bauxite est antérieure à la FN oligocène et postérieure à la cavité karstique qu’elle remplit. elle sépare le Jsup du Santonien.
Le bombement Provençal se forme à l’albien ; à l’émersion, sous climat tropical, des sols latéritiques se forment à partir des marnes du crétacé inférieur par altération. Erodés, ils sont transportés, piégés dans des cavités karstiques où ils vont évoluer en bauxite par lessivage de la silice. Les transgressions du coniacien et du santonien vont les protéger jusqu’à nos jours.
Lorsque 50% de la silice des marnes du crétacé inf a été lessivée, elles évoluent en kaolinite, et si le lessivage se poursuit jusqu’à évacuation complète de la silice, le reliquat est de la bauxite.
La bauxite est constituée de :
-boehmite AlO(OH)
-gibbsite Al(OH)3
-hématite Fe2O3
-goethite FeO(OH), enveloppe des pisolites.
-oxydes de titane- rutile TiO2, qui lui donne un aspect satiné.
-un peu de kaolinite restante.
La bauxite rouge utilisée pour produire de l’aluminium est constituée de boehmite et hématite, les pisolites d’hématite et de goethite,
Elle peut aussi contenir un peu de diaspore, autre forme de la boehmite.
Elle contient également entre 5 et 8% de silice (kaolinite). Si elle en contient plus (surtout au-delà de 16%), elle n’est plus utilisée pour la production d’aluminium.
La mine de bauxite : -ph 42-43.c’est une des plus anciennes ; elle fonctionnait dans les années 1860. Aujourd’hui, 3 bouchons bétonnés obstruent l’entrée de la (ou des) cavité karstique.
La bauxite présente ici est une ancienne latérite qui s’est déposée en plusieurs vagues et en milieu aqueux :
–Il ya alternance et répétition de niveaux de brèches à débris de calcaire, de bauxite pisolitique, de bauxite fine.
–Quand on casse la roche, on y trouve des fragments de lignite provenant d’un ancien marécage mal oxygéné qui devait recouvrir la latérite, ces fragments de lignite se sont déposés en même temps qu’elle pendant une période d’érosion au cours des transgressions du crétacé sup (coniacien, santonien). –ph44-45-46.
On peut constater que la cavité karstique ne contient que de la bauxite fine. Elle a pu y pénétrer par soutirage et, ou, elle a évolué en bauxite fine par un apport excessif de kaolinite (silice) à travers les fissures du karst.
D’ailleurs, elle présente des reflets blanchâtres et une cassure conchoïdale qui montrent sa richesse en silice. Elle est donc inutilisable pour produire de l’aluminium. Elle a pu être utilisée pour la fabrication de ciment alumineux ou par des céramistes. Elle est le résultat d’une érosion par apport de silice. –ph 47-48-49.
Située tout près d’une FN, elle présente une schistosité de fracture bien évidente.
Arrêts 6. Les sources de l’Encanaux.
Au pont des Encanaux, il y a confluence des ruisseaux de l’Infernet et du ruisseau des Encanaux. Le ruisseau de l’Infernet ne coule que rarement car il n’est alimenté que par la pluie ; il n’y a pas de sources. –ph50-51.
En remontant le long de l’Encanaux, on voit plusieurs sources. Carte ph52.
- Source inférieure. –ph53-54.
Elle a été aménagée, peut-être, pour faire tourner un moulin aujourd’hui disparu.
L’eau se dégazéifie en sortant de la source, ce qui entraîne la formation de travertins avec les gours qu’on ne voit qu’en aval de la source inférieure et dans le ruisseau de Daurengue. –ph58.
Une vingtaine de mètres juste au-dessus, il y a une autre source temporaire. L’entrée est protégée par une grille en fer, un bourrelet de béton canalise l’eau afin qu’elle s’écoule sur la dalle bétonnée qui protège le chemin de l’érosion. –ph55 à 57.
- Source des blocs. –ph59.
Entourée par la végétation.
- Source supérieure. Permanente. –ph60-61.
L’eau s’écoule par une grande fissure ouverte. Le débit varie selon la saison et le rythme des pluies. La photo 62 prise au début juin montre un débit moins important.
- Source haute. –ph63 à 65.
L’eau sort également par une large fissure ouverte.
A partir de là –ph66- le chemin n’est plus visible et nous n’allons pas plus loin.
Mais il y a encore le trou des Encanaux, source temporaire, puis, à 410m d’altitude, le gouffre des Encanaux.
Notre ami Paul, qui est aussi spéléologue confirmé, nous a fourni quelques photos et le schéma du gouffre. –ph67 à 73.
Il y a 4 parties dans ce gouffre : l’entrée (puits de 60m de haut), la rivière souterraine, la voûte mouillante et le siphon noir. Le reste est inaccessible. La rivière peut entrer ou non en crue.
Quel est le fonctionnement de ces sources ?
L’étude du gouffre par Spelunca et des spécialistes (B.Arfib, A.Zappelli) apporte des éléments de réponse après des traçages dont certains à la fluorescéine.
Il apparaît que :
—Il n’y a pas de liaison entre le gouffre et le ruisseau de Daurengue (ses 2 sources).
—La source supérieure est reliée à la rivière souterraine ; c’est elle qui fournit l’eau qui a cheminé dans le karst.
Lorsque la rivière souterraine a un fort débit, la source haute coule à son tour et si la rivière souterraine est en crue la source du trou se met à couler. C’est la première à s’assécher lorsque le niveau d’eau dans la rivière s’abaisse.
Donc 3 sources à relier à l’activité de la rivière souterraine.
—Une deuxième nappe doit alimenter la source inférieure et, lorsque la nappe a beaucoup d’eau, le trop plein se déverse par la source des blocs. Donc 2 sources à relier. C’est une eau très minéralisée puisqu’il y a des gours en aval de la source. (les sources au-dessus le sont moins, il n’y a pas de gours).
C’est un deuxième système de sources sur le ruisseau des Encanaux