Volcans du Velay
Le Velay est l’une des grandes provinces volcaniques françaises.
Les volcans sont alignés selon la direction N135. Photo1 : carte géologique très simplifiée
—- Sa partie Ouest, entre Allier et Loire, en grande partie sur le horst de Chaspuzac constitue le Devès. Le volcanisme est surtout strombolien avec 150 cônes basaltiques dont le mont Devès point culminant de cette partie ouest. il y a aussi un certain nombre de maars dont le cœur est occupé par un lac (lac du Bouchet, Coucouron), par des cultures (Landos) ou par une narse (la Sauvetat, Issanlas…). ph2 à 5.
Sa marge NE couvre une partie du bassin du Puy.
Volcanisme de 3MA à 0,8Ma avec 2 paroxysmes 2MA et 1MA.
—– Au centre, le bassin du Puy, bassin d’effondrement paléogène. Il a reçu fin tertiaire et quaternaire, les sédiments de la paléo-Loire et de la paléo-Borne (sables et grès, surtout).
—– Sa partie Est comprend le fossé de l’Emblavès et ses sucs (volcans phonolitiques), le haut plateau basaltique de St Front , Fay sur Lignon, le Monastier,
Et le pays des Boutières (graben, aussi) dominé par les sucs phonolitiques (Mezenc point culminant du Velay 1752m, Gerbier des Joncs, Gouleïou, Montfol…). ph6 à8.
La photo 9 présente une coupe Est-Ouest du Velay.
Les laves du Velay appartiennent à la série alcaline.
4 types d’appareils volcaniques correspondant à 4 dynamismes éruptifs sont représentés dans le Velay.
———-Tout d’abord, le plus abondant, le cône au dynamisme strombolien.
Le magma est fluide, les gaz s’échappent facilement. Les explosions projettent des bombes, des scories, des lapillis qui s’accumulent autour du point de sortie et constituent le cône, relief constitué par accumulation de projections et de coulées. ph10 à 13.
Quand une carrière entaille un cône –ph14, on peut y reconnaître 2 faciès caractéristiques :
Un faciès bas de cône noirâtre, les projections riches en fer sont assez refroidies pour que l’oxydation du fer ne puisse plus se faire.
Un faciès cœur de cône rougeâtre, proche du cratère où les projections dont la température dépasse encore 600°C (point de Curie), sont oxydées, chaque explosion provoquant un appel d’air.
Lorsque le magma est bien dégazé, la lave s’écoule en longues coulées aux orgues élégantes. ph15.
De nombreux cratères sont égueulés ; la lave se déversant dans le sens de la pente a emporté les projections au fur et à mesure de leur dépôt. ph16.
Certains cônes sont très pentus et il peut se produire des glissements sur un flanc du cône ; les conditions météo doivent y jouer un rôle. ph17-18 Mt Briançon.
On peut voir également des filons adventifs traverser un cône strombolien. ph19 volcan de Vourzac.
Certains cratères furent remplis par un lac de lave. L’érosion ayant emporté les projections constituant le cône, la lave plus résistante reste en relief ; les gerbes d’orgues sont alors impressionnantes. Ici le Peylenc-ph20.
Parfois, le cône a disparu par érosion et a dégagé la lave occupant la cheminée, la disposition des orgues nous permet alors de reconstituer le cône disparu. ph21-22-23-Volcan de Queyrières), ph24-Neck d’Arlempdes. Remarque : une coulée dans une vallée affluente de la Loire, très étroite, est venue buter contre le neck –ph25.
La face des prismes étant perpendiculaire au refroidissement on ne voit que les faces des prismes horizontaux lorsque l’érosion a entaillé profondément la cheminée. ph26 Queyrières). Dans tous les cas, outre les orgues, les coulées ont aussi des plans de fluidalité. et leur mesure permet de retrouver les directions d’écoulement de la lave. Queyrières, écoulement vertical, vers le haut- ph27, coulée de Chilhac ph28.
Les coulées de plateau n’ont pas d’entablement ; elles ont deux parties : la colonnade et la fausse colonnade. Elles ont coulé sur un sol qui a été recuit et qu’on retrouve parfois sous la coulée, quand l’érosion le permet. –ph29-30.
Les coulées superposées peuvent provenir du même volcan ou de volcans différents.
Le plus souvent les coulées empruntent le chemin suivi par les rivières, gênant provisoirement leur écoulement, provoquant même la formation de barrages. Elles ont alors un entablement dû à la circulation d’eau (pluie) dans la coulée ; la fausse colonnade est souvent enlevée par érosion.-ph31.
Les rivières creusent un nouveau lit épargnant souvent une partie des coulées qui sont alors en inversion de relief, avant qu’une autre coulée suive à nouveau le lit récemment formé. –ph32 à 34- Rocher de Prades.
Sur le plateau de Fay sur Lignon, ou sur le plateau du Devès, les coulées sont empilées.
Les rivières les entaillent et forment des cascades élégantes. ph35 cascade de la Beaume avec une chute de 27m.
Dans la descente vers Goudet, le long du ravin, on peut voir plusieurs coulées empilées dont une bien visible datée de 2,3MA, reposant sur deux niveaux de projections –ph36- en face, on retrouve l’empilement des coulées et le volcan de Montagnac au cône percé de grottes troglodytiques. Ce volcan a émis une coulée très vitreuse, à cassure conchoïdale qui affleure sur la route un peu plus bas. ph37 à39.
Tout au fond de la vallée de la Loire, dans les terrains migmatitiques, et au-dessus d’une terrasse alluviale, la coulée la plus récente datée de 1MA. ph40-41.
——–deuxième type d’appareil volcanique, le dôme, au dynamisme péléen. ph42.
Le magma riche en silice est très visqueux. Les gaz ont du mal à s’en échapper. Etant à une température élevée, ils ont un pouvoir explosif énorme, faisant sauter le « bouchon » qui entre dans la composition des panaches de cendres et blocs de 10 à 30 km de hauteur et des nuées ardentes (coulées pyroclastiques) qui déferlent sur les flancs à plus de 300 km/h. ph43- nuée de phonolite au col du Pertuis. La nuée contient des éléments fins à grossiers, des blocs de socle et de laves diverses, ph44.
La lave s’extrait difficilement de la cheminée à coups d’explosions et de nuées et se dresse dans le ciel obscurci en une masse sans cratère : le dôme.
Ne pouvant pas couler, la lave s’écroule et forme une ceinture d’éboulis au pied du relief. ph45-Gerbier, ph46-Sara- qui est un filon annulaire de grande taille son encaissant (socle granitique) a été modifié sur plusieurs mètres d’épaisseur, à son contact. Le granite est poreux, corrodé par les gaz riches en CO2 et pH élevé, le quartz devenu pulvérulent, blanchâtre : Il a subi une métasomatose –ph 46a.
Si la lave est très siliceuse, il se forme une véritable aiguille –roche pointue, dent du Mezenc en rhyolite. Les plans de fluidalité attestent de l’ascension de la lave. ph47 à49.
Si la lave l’est un peu moins, il va se former une coulée courte et épaisse, constituant un dôme coulée. – ph50 phonolite de l’Alambre. Quelquefois, la lave va s’écouler en une épaisse et courte coulée dans une paléo-vallée –ph51- la Tortue (phonolite). Dans tous les cas, le dôme étant formé par une lave on va y trouver des orgues avec les faces des prismes rayonnantes. ph52-Gouleïou.
Souvent le dôme est hérissé de pointes qui s’écroulent rapidement, en quelques jours, tel le suc de Monac en trachyte très dur. ph53-54.
Les laves de ces dômes, de la série alcaline, sont différenciées (trachyte, phonolite, rhyolite) ; elles ont subi une cristallisation fractionnée en séjournant dans des chambres magmatiques de moins en moins profondes, donc à des températures de moins en moins élevées. Les cristaux apparaissent dans un ordre donné par la suite de Bowen (olivine, pyroxènes, amphiboles, feldspaths plagioclases….). Les liquides s’enrichissent en éléments dits incompatibles (riches en silice, sodium, potassium) qui vont former micas, feldspaths potassiques (sanidine) et même quartz dans la rhyolite de roche pointue –ph55-56. Ces magmas sont visqueux et leur richesse en amphibole qui peut retenir de l’eau, leur confère un caractère explosif accru –ph57- trachyte du suc de Monac.
Enfin, entre Arnissac et Recharinges, entre le Meygal et le Lizieux, on peut voir un volcan phonolitique un peu particulier. Après une première éruption, les parois du dôme se solidifient. Une reprise de l’éruption intervient alors, et, sous la poussée du magma et des gaz, les flancs du dôme s’ouvrent, laissant passer des nuées pyroclastiques. Après l’éruption, l’érosion va enlever toute la partie supérieure du dôme.il ne reste aujourd’hui que sa partie basale éventrée avec des panneaux de phonolite bien séparés.-ph58-59.
——–troisième type d’appareil volcanique, le maar, au dynamisme phréatomagmatique.
Lorsque le magma, quelle que soit sa composition chimique, rencontre au cours de sa montée une nappe phréatique, l’eau s’échauffe et entre en surpression jusqu’au moment où la vapeur engendrée a une force supérieure au poids des roches sus-jacentes. Alors, une série d’explosions très violentes se produit, perçant à l’emporte pièce les terrains qui sont alors projetés à une dizaine de kms de hauteur. Le creux formé appelé maar s’agrandit par effondrement de blocs de socle dans la cheminée -ph60-61. Le maar est entouré par un croissant surbaissé de roches brisées provenant du sous bassement, avec un peu de magma sous forme de bombes en chou fleur –ph62. Ces dépôts de déferlantes basales sont lités. ph63 à 66 maar de st Front.
Ce volcan en creux, peut ensuite être occupé par un lac de cratère. ph 67 Issarlès.
Après la formation du maar, l’éruption peut se poursuivre sans intervention de l’eau qui a été vaporisée. Un cône strombolien va alors succéder au maar –ph68 Vourzac ou Mont Burel –ph69 . Les tufs lités sont très riches en éléments du socle –ph70.
Le maar a pu se former à côté d’un cône volcanique comme le lac Martial à côté d’un petit cône strombolien qui l’a précédé (cas rare) -ph71-72.
Certains maars ont été recouverts et enfouis par des coulées plus récentes que l’érosion, en inversant les reliefs, a mis à jour – rocher de Prades au bord de l’Allier, ph73. Les brèches pyroclastiques sont bien visibles sous les coulées avec ses éléments de socle, riches en granite à dents de cheval –ph74. Certains maars sont en voie de comblement – Chaudeyrolles –ph75-75a. Le maar le plus profond est celui de la Sauvetat, avec 90m de profondeur et 1,5km de diamètre –ph76.
——–enfin le quatrième type d’appareil volcanique, le volcan surtseyen, au dynamisme hydromagmatique. ph77-78.
On ne le trouve que dans le bassin du Puy en Velay qui est un fossé remblayé dès l’éocène par des sédiments lacustres. L’activité volcanique a débuté vers 6MA et s’est poursuivie jusqu’à des époques récentes (villafranchien et pléistocène) notamment avec les volcans surtseyens.
On a pu suivre en direct une éruption de ce type en 1963, où au sud de l’Islande, l’île de Surtsey a vu le jour. –ph79-80-81.
Lorsque la lave atteint le fond de l’océan atlantique, le choc thermique généré par la rencontre entre la lave chauffée à plus de 1000°C et l’eau de mer à moins de 10°C provoque des explosions qui fragmentent la lave qui s’accumule près de la cheminée.
Des panaches de vapeurs s’élèvent en altitude jusqu’à 6 km puis se chargent en cendres et, au fur et à mesure que le volcan se rapproche de la surface. Des gerbes de lave noire fragmentée sont de plus en plus abondantes et retombent, se soudent, construisant peu à peu l’appareil sous marin.
Les scories soudées sont très perméables et se gorgent d’eau chauffée qui permet l’altération très rapide des fragments de lave vitrifiés, en argile jaune, appelée palagonite. La palagonitisation est précoce et commence par l’extérieur des scories. Les carbonates, la silice, les zéolites vont indurer cette palagonite qui va consolider l’anneau pyroclastique qui se construit autour de la cheminée –ph82. L’anneau palagonitisé devient une roche très dure exploitée pour la construction.
Des effondrements dans la cheminée par tassement font que le volcan a un aspect aplati et les vagues viennent saper les côtes de l’île dont les bords sont abrupts. Lorsque l’eau n’intervient plus, le dynamisme change et devient strombolien –ph81.
Ce qu’on ne voit pas dans le bassin du Puy, car il ne reste que les parties sous lacustre des appareils. Ainsi, le plus complet, le volcan de Cheyrac montre les caractères décrits précédemment –ph83. On voit bien l’anneau de tufs consolidés les effondrements dans la cheminée et les bords abrupts.
Quand une carrière exploite le volcan, on voit des effondrements de panneaux de l’anneau dans le cratère, alors que les bords sont normalement inclinés. –St Roch Langeac ph84-85-86. L’érosion a pu emporter le cône, ne laissant que la cheminée, comme à Polignac-ph87 .Ou même que la partie basse de la cheminée (diatrème) comme on peut le voir dans la ville du Puy en Velay -ph88.
Certains volcans surtseyens ont subi une évolution dans le sens beaucoup d’eau, moins d’eau et plus d’eau du tout et donc sont passés d’un dynamisme hydromagmatique à un dynamisme phréatomagmatique, puis à un dynamisme strombolien.
Ainsi, le marais de Limagne a commencé son histoire par une éruption surtseyenne : une rivière, sur le horst de Chaspuzac, a dû être barrée par une coulée du Devès et former un lac. Les tufs palagonitisés étaient exploités à Beyssac. La carrière est aujourd’hui fermée, mais on peut en voir quelques affleurements (moins beaux) en bord de chemin –ph89-90. Son histoire s’est poursuivie par de formidables explosions qui ont formé le maar visible aujourd’hui, avec son croissant pyroclastique. Enfin des volcans stromboliens se sont construits autour des lèvres du maar (le Vesseyre au sud, le Pouzat, au nord)- ph91à 93.
La Denise a également enregistré les trois phases : dans la carrière, on voit bien la phase surtseyenne avec ses dépôts jaunâtres palagonitisés. Le maar n’est pas visible, mais la phase strombolienne occupe presque toute la carrière. On y voit les faciès cœur et bas de cône, une cheminée d’alimentation (ou gros filon), des effondrements avec failles normales. Ce cône a émis une coulée : la plaine de rome datée de 1,07MA –ph94-95.
Le volcan de St Roch à Langeac est passé du type surtseyen au type strombolien en fin d’éruption –ph96.
Du sommet du Cheyrac, on peut constater que les volcans surtseyens autour du Puy en Velay ont la même altitude qui correspond à la hauteur du niveau du lac qui existait à cette époque villafranchienne – ph97.
Pourquoi un lac ?
Le volcanisme du Devès (3 à 0,8MA, villafranchien-pléistocène) déborde vers l’Est, au-delà du Puy en Velay –ph1, provoquant ainsi la formation d’un barrage de la paléo-Loire et la naissance d’un lac en amont.
Au lieu-dit méandre de Farges –ph98, entre la Loire et la route, il y a une séquence fluvio- lacustre de 150m d’épaisseur, datée de 2,5MA à 2MA. Au niveau de la route affleure un poudingue qui montre une reprise d’activité érosive de la paléo-Loire, c’est-à-dire que le barrage n’existe plus. Cependant, au-dessus du poudingue, on voit très bien des sédiments lacustres. Le barrage, donc le lac, s’est reformé vers 2MA. Enfin, une coulée du Devès recouvre le tout –ph99-100.
Genèse des magmas :
Les laves du Devès, de la série alcaline, proviennent directement du manteau par fusion partielle des péridotites.
Des enclaves de péridotites, dans le cœur des bombes basaltiques, nombreuses, ont été arrachées au manteau –ph101, vers 50 ou 60km de profondeur. De plus, le rapport 87Sr/86Sr = 0,7031, signe l’origine mantellique du magma.
(le rapport dans la croûte = 0,710 et dans le manteau = 0,702).
Les laves alcalines du Velay oriental (phonolites, trachytes,rhyolite), se sont formées par cristallisation fractionnée dans des chambres de moins en moins profondes. Le rapport se situe entre 0,7033 et 0,7035, sans grands changements.
Par contre il y a une légère contamination du magma trachytique du suc de Monac par légère fusion de la croûte au contact du magma dans la chambre ; le rapport est 0,705.
Cette cristallisation fractionnée, ainsi que la quantité d’eau présente, permettent de voir coexister en des lieux si proches, ces 4 types de volcans si différents.