La Durance …..et son histoire géologique.

Texte de ma conférence, suite aux nombreuses observations faites au cours de nos sorties le long de la Durance.

                                            La Durance, grande rivière de Provence

                                                ……et son histoire géologique

 

++La Durance prend sa source sur les pentes du Chenaillet, au dessus de Montgenèvre, près de la frontière Italienne et se jette dans le Rhône à Avignon.-ph1.

Le Chenaillet, qui a échappé à la disparition par subduction, est un lambeau de lithosphère océanique avec manteau et croûte  comprenant des gabbros et des laves en coussin –ph2,

Les plus belles laves en coussin des Alpes sont visibles vers 2400m d’altitude –ph3.

La Durance mesure 305 km  environ et son bassin versant a une superficie de 14225 km2 .C’est le 4 ieme bassin Français –ph4.

Son débit moyen est de 190 à 200 m3/s à Avignon.

Mais son régime est caractérisé par des étiages marqués 35 à 40 m3/s, fréquents. Le débit réservé  4,5m3/s ne suffisant pas à l’autoépuration de ses eaux. Ses affluents apportent heureusement de l’eau qui limite la pollution –ph5.

Le régime est marqué aussi par des crues ; -ph6-7.

Crues centennales de 4500 m3/s

Crues décennales de 2500 m3/s

Crues annuelles de 1600 m3/s

La crue de janvier 1994 a atteint 3000m3/s –ph8-9.

Jusqu’en 1960 (Serre Ponçon), les crues pouvaient être catastrophiques jusqu’à 6000m3/s (6800en 1886) ainsi que pendant le petit âge glaciaire (du XVI au XIX siècle). –ph10.

Mais  les barrages ne peuvent empêcher les grandes crues. Aussi, depuis  2010, EDF a  créé un piège à graviers sur le Buech pour éviter les inondations à Sisteron. –ph11-12.

320 000 m3 de graviers ont été extraits et en 2012 une banquette de débordement pour élargir le lit de la Durance a été aménagée ; les limons enlevés ont servi à la réhabilitation de carrières et à la valorisation de terres agricoles. Un entretien de ce piège à graviers est programmé.                                                                                                                                                            Sur presque toute sa longueur, la Durance a un réseau en tresses ; ce n’est pas une rivière mais un torrent –ph13. Son taux d’érosion chimique est de 121T/km2/an et son taux d’érosion mécanique est de 364 T/km2/an. Ces taux sont supérieurs aux taux mondiaux moyens.

D’ailleurs le comblement rapide du barrage de l’Escale nous le montre bien (il ne reste que le chenal sur 16 M m3) –ph14. Et on voit bien sur  cette photo le comblement du bout du lac de Serre Ponçon par le torrent de Boscodon, torrent très actif qui a 3 bassins de réception, au lieu d’un seul. La Durance ne pouvant plus entrainer les blocs et les galets et l’exploitation de la gravière n’y suffit pas ! –ph15 à17. Cependant, à cause des barrages, le cours de la moyenne Durance présente des segments qui ont perdu de l’énergie. Le réseau en tresses est interrompu par des secteurs à méandres qui peuvent toutefois provoquer des dégâts. Ainsi, cet agriculteur de Mirabeau a perdu quelques hectares, d’autant que l’autoroute gêne la divagation de la rivière –ph18.

La Durance a été aménagée après le Verdon : d’une part à cause de son trajet nord-sud avec une forte pente (3m/km), d’autre part, il y a peu d’endroits suffisamment resserrés pour y installer un barrage pouvant contenir assez d’eau. L’invention du barrage masse a permis l’équipement de la Durance.                                                                                                               Le Verdon présente, lui, une bonne partie de son cours sans le sens Est-Ouest, dans le sens des plissements, avec une pente moindre, des endroits resserrés et des possibilités de rétention de l’eau –ph19.                                                                                                                                     Le barrage de Serre Ponçon, le plus grand d’Europe, 1,2 milliards de m3, sur 27 km de long, produit 700 millions de kwh. Avec 17 barrages et 30 centrales hydro-électriques, Durance et Verdon produisent 6 à 7 milliards de kwh, soit 10% de la production hydroélectrique française, ce qui ne suffit pas à la région –ph 20 à22.

Les prélèvements par les gravières sont maintenant interdits dans le lit mineur, mais il y en a beaucoup dans le lit majeur, ce qui entraine inexorablement un abaissement du lit mineur, donc  assèchement de terrasses, pollution de  la nappe mise à l’air libre, érosion régressive accrue –ph23 à 25.                                                                                                                           De l’Argentière la Bessée à Montdauphin, elle suit une faille : la FHD (faille de haute Durance), qui passe par Risoul et va finir dans le massif du Mercantour ; faille toujours active, le séisme du 26 février 2012 à St Paul sur Ubaye nous le rappelle –ph26 à 28.

Puis de Peipin au pont de Mirabeau, elle suit une autre faille la FMD (faille de la moyenne Durance), faille la plus sismogène de France, et toujours active ; témoin le séisme du 19 septembre 2012 à Volx. (8 ieme de l’année au lieu de 3) –ph29-30.

Elle suit ensuite un parcours Est-Ouest jusqu’au Rhône. A l’Argentière la Bessée il y a confluence entre la Gyronde qui vient du parc des écrins en passant par Vallouise et la Durance qui creuse une gorge dans le fond de son auge glaciaire pour rejoindre la Gyronde. Ce qui signifie que le glacier de la Durance rejoignait le glacier de la Gyronde par un gradin de confluence, il était donc un glacier secondaire, le principal étant celui de la Gyronde.    La Durance ne devrait donc s’appeler Durance que jusqu’à l’Argentière  et ensuite Gyronde jusqu’à Avignon –ph31 à33.

On peut constater également que la Durance n’est pas plus longue que la Cerveyrette ou l’Orceyrette et dans tous les cas elle est plus courte que la Guisane et surtout la Clarée ; par conséquent, du pied du col de Montgenèvre  jusqu’à l’Argentière elle devrait s’appeler Clarée –ph34. Mais comme,  seule, la vallée de la Durance ne se termine pas en cul de sac, on l’a privilégiée par rapport aux autres.

++On peut retrouver dans les paysages et les affleurements l’histoire la plus récente de la Durance, son histoire quaternaire qui n’est pas encore effacée par l’érosion. Le château de Mison, au nord de Sisteron est bâti sur un rocher –ph35- qui est un reliquat du cône fluvioglaciaire du glacier de la Durance à l’interglaciaire du günz  vers 600kans. Le glacier dont il ne reste plus de traces devait se trouver vers Veynes (05).

On peut y voir des périodes de fonte avec des débâcles suivies de périodes plus froides ou les alluvions étaient remaniées par des chenaux en tresses –ph36. Une petite animation, tente d’expliquer la formation de ces remaniements avec disposition inclinée des galets –ph37-38. En regardant vers le sud, vers Sisteron, on peut reconnaître des dépôts laissés au cours des 4 glaciations du quaternaire sur les terres noires jurassiques  -ph39.

Günz ( inter) au château de Mison, Mindel ( 400 à 600 kans), fluvioglaciaire,  sur la route menant à Ribiers et au-delà vers le sud, Riss (120 à 300 kans) dont il ne reste que les moraines de fond formant une arête de Mison à la Sylve et Würm  ( 100 à 10 kans) dans la vallée du Buech  et de la Durance visible vers Thèze, fluvioglaciaire –ph40. On trouve des lambeaux des différentes terrasses glaciaires tout le long du parcours de la rivière : -ph41 à45. Par exemple à Volonne, St Auban, au pont de Mirabeau sous la chapelle Ste Madeleine, à Embrun et Eygliers sous le fort de Montdauphin (même terrasse fluvioglaciaire de Würm découpée par  l’érosion).

Au Riss (plus forte glaciation), le glacier atteignait Sisteron ; là, il se fragmentait et des radeaux de glace pouvaient emporter d’énormes blocs que la rivière n’aurait jamais pu transporter –ph46-47. Ils se déposaient plus loin sur le cône fluvioglaciaire à la hauteur de Salignac ; certains ont atteint St Auban –ph48 à51.

L’explication n’est pas très convaincante. Mais suite à l’étude de la formation deltaïque située au nord de Ribiers, datée de la fin du Riss, une autre explication a vu le jour (communication orale de JC.Hippolyte, géologue au Cerege).

Le glacier atteignait bien Sisteron, mais, au moment de la débâcle (vers la fin de la glaciation), un lac s’est formé entre Laragne et Ribiers (d’où, la formation deltaïque), les eaux ne pouvant s’écouler suffisamment, le lac a pris de l’ampleur, jusqu’à ce que la glace qui obstruait le verrou de Sisteron, ne puisse plus résister. Le lac s’est alors vidé, emportant d’énormes blocs jusqu’à St Auban. C’est ce qu’on craint aujourd’hui dans les Alpes avec la fonte rapide des glaciers –ph52 à54.

Pendant les glaciations du quaternaire, la Durance était un fleuve ; passant par le seuil de St Pierre de Vence, elle longeait ensuite  les Alpilles et se jetait dans la mer au niveau d’Arles, repoussant le Rhône vers la faille de Nîmes –ph55. Puis elle passa par le seuil de Lamanon   pour se jeter dans la mer au niveau de Fos sur mer.                                      Aujourd’hui, le canal EDF emprunte  ce passage pour aller vers Salon –ph56.

Puis, il y a environ 30 000 ans  au würm récent, elle emprunta le seuil d’Orgon pour devenir affluent du Rhône –ph55-56. Mais son cône de déjection  repoussa le Rhône vers l’Ouest et obligea l’Ouvèze à remonter vers l’amont pour le contourner. Elle rejoint aujourd’hui le Rhône à Avignon. Le passage vers Avignon a été permis par un affaissement du seuil d’Orgon dû au jeu de la  faille Salon-Cavaillon –ph56-57-58.

++ Un peu plus difficile à voir est l’épisode messinien (de 6 à 5,3MA) à la fin du miocène.

Les profils sismiques,  électriques  et quelques affleurements  nous le dévoilent.                   Au messinien, le détroit de Gibraltar se ferme ; le niveau de la méditerranée  baisse d’au moins 1500 m, jusqu’à l’équilibre entre évaporation et apports d’eau par les 3 principaux fleuves qui l’alimentent (Rhône, Nil, Danube) –ph59.D’où ces énormes dépôts de sel recouverts par les sédiments post-messiniens –ph60.

Les rivières creusent alors de véritables canyons pour retrouver un profil d’équilibre. Le Rhône, la Durance et leurs affluents sont concernés –ph61-62.

Ainsi,  à Oraison, le Rancurre creusa un canyon d’environ 400m de profondeur -ph63. Lorsque la mer revint au pliocène, elle  envahit et remonta les canyons formant ainsi des rias; celle du Rhône, jusqu’à Lyon, celle de la Durance au-delà d’Oraison –ph64.                    On trouve par exemple les dépôts de la transgression post-messinienne (pliocène) bien conservés au milieu des gorges de Régalon avec des fossiles marins qui datent bien cet événement –ph65.

++Si on arrive à reconstituer l’histoire quaternaire de la Durance par l’observation d’affleurements, de caractères morphologiques et structuraux, comment connaître son histoire plus ancienne ?

La Durance prenant sa source dans les Alpes, elle ne peut exister que depuis leur formation.                                                                                                                                                                  Au trias, la Pangée s’érode, les reliefs hercyniens sont pénéplanés , et elle se fissure.-ph66.  Au  jurassique, l’océan alpin, dépendance de l’atlantique central naît. Des sédiments se déposent. Il s’élargit jusqu’au crétacé moyen (aptien-albien) –ph67-68.

Puis, au crétacé supérieur, l’ouverture de l’atlantique sud provoque la remontée vers le nord de la plaque africaine qui va refermer l’océan alpin. –ph69-70.

Au tertiaire, les plaques européennes et africaines se rencontrent : c’est la collision ; la plaque européenne passe sous la plaque africaine créant un épaississement crustal : le relief alpin dont le Chenaillet, est né. La Durance peut couler. –ph71-72.

Une des premières manifestations de la Durance ou plutôt de la paléodurance ou de ses affluents pourrait être visible dans le bassin de Forcalquier, limitant à l’Est par la FMD,  une vaste cuvette profonde de 11 km en voie de comblement depuis le trias. –ph73-74.

A l’oligocène, le bassin achève son comblement  par des apports venant  de l’Est grâce à l’activité de la FMD mais pas de traces de dépôts laissés par une paléodurance, ni même dans la vallée du Vançon qui suit la FMD. –ph74-75.

Au miocène, la méditerranée actuelle (bassin liguro provençal) naît de la dérive du microcontinent corso-sarde. La transgression remonte vers Lyon par à coups, créant des reflux vers la mer naissante. –ph anim76. Le delta de la paléodurance se trouve au niveau de Cucuron et de Cabrières d’Aigues. Des galets perforés par des pholades en attestent.     –ph77 à80.

Mais aussi au nord immédiat du chaînon Ventoux-Lure. Un bras de la paléodurance devait se diriger vers le golfe de Vaison en passant par Mévouillon, dont l’érosion a épargné le paléodelta ; -ph81 à 83, par Montbrun dont les couches ont été repliées  ensuite par le chevauchement du massif  Ventoux-Lure ; -ph84 à86, et par Saint Vincent sur Jabron et Chateauneuf-Miravail dont on ne voit que le flanc normal du pli recouvert par le chevauchement Ventoux-Lure. –ph87-88.

Le golfe de Vaison se prolongeait donc  par une ria occupée aujourd’hui par le Jabron et le toulourenc –ph89.

Ainsi la paléodurance venant globalement du nord  se jetait dans la mer miocène au niveau des golfes de Vaison et de Cucuron.                                                                                                                 A la fin du miocène, les reliefs de Ventoux-Lure se forment, plissant les sédiments du miocène comme on vient de le voir et la FMD  s’inverse.                                                                      Le creux se trouve désormais du côté de Valensole. –ph89 à 92.

Toutes les rivières (Bléone, Asse, Durance) vont combler cet espace par de grandes quantités de conglomérats bien visibles dans les paysages, ainsi les rochers des Mées entièrement constitués de poudingue à ciment silicifié. –ph93.                                  Aujourd’hui, la Durance coule le long  de la FMD  et le plateau de Valensole subit une érosion intense bien visible de satellite. –ph94.                                                                                    Son histoire n’est pas terminée ;  le changement climatique  aidant, va t’elle nous refaire la surprise de 1907 ?  -ph95.