Galets de la Durance

Les galets de la Durance : ce qu’ils nous racontent !

En bord de Durance, les galets sont très abondants et très différents. Si on fait une récolte des plus représentatifs, on s’aperçoit que la Durance amène des galets provenant de la croûte continentale, de la lithosphère océanique (croûte océanique et manteau supérieur) et leurs sédiments associés. Ph1.

Après classement, voici ceux qui ont été retenus par notre groupe et les renseignements qu’ils nous apportent.

1- Galets de la croûte continentale : ph2 et 3.

–Le gneiss est une roche métamorphique litée. Dans la partie supérieure du galet on voit bien l’alternance des lits sombres de micas noirs et de lits clairs (quartz et feldspaths).

Dans la partie inférieure, l’alternance est moins visible car il y a des zones claires plus importantes (liquide granitique) et des zones sombres plus épaisses (micas), minéraux plus réfractaires.

–Le gneiss migmatitique est un gneiss qui a commencé à fondre en partie. Le liquide clair a migré pour constituer un magma granitique plus loin mais la partie claire visible sur la photo est restée piégée. Les parties sombres sont les reliquats non fondus.

–Le granite est une roche grenue constituée de quartz, feldspaths et micas.

Le liquide magmatique issu de la fusion partielle des gneiss migmatitiques a cristallisé avant d’atteindre la surface et a donné les granites qu’on voit ici.

Gneiss et granites se forment dans les parties profondes des chaînes de montagnes.

Le géotherme moyen de la croûte continentale –ph4- ne recoupe pas le solidus du granite pour une épaisseur moyenne de la croûte soit 32km environ.

L’anatexie (fusion) n’est possible qu’à partir de 48 km environ donc pour une croûte continentale épaissie.ph5.

Agés de plus de 300MA, ces roches se sont formées au cours de l’orogénèse hercynienne, au cours de la collision des plaques Gondwana, Armorica et Laurussia. Collision qui fut responsable du raccourcissement et de l’épaississement de la croûte continentale et de la formation de la Pangée.

–Protogine-ph 2 et 3- granite à gros grains contenant donc quartz, micas et feldspaths plagioclases et une orthose sodique. Ce granite hercynien a enregistré le métamorphisme alpin de faciès schiste vert (peu important) le mica s’est chloritisé et a pris une teinte verte.

–Gneiss amphibolique ou amphibolite- ph 2 et 3-

Gneiss dont le mica s’est transformé en amphibole vert foncé, presque noire (hornblende). C’est le plus souvent le métamorphisme d’un basalte qui donne les amphibolites, parfois une marne. Origine possible : vallée des Bans.

Ces 4 roches sont amenées du massif des Ecrins par les affluents de la Durance: par exemple du Pelvoux, des Bans, du Combeynot ; les granites sont le plus souvent sous les gneiss qui constituent les sommets.

Elles sont le socle sur lequel vont se déposer des sédiments :

–Verrucano- ph 2 et 3- poudingue permien. Au cours du permien il y a érosion de la chaîne hercynienne ; des rivières évacuent les produits de l’érosion.

Origine possible : col du Lautaret, gorges du Guil.

–Quartzite-ph 2, 3 et 6- roche très siliceuse résultant de la recristallisation d’un grès (métamorphisme de bas degré)..

Dans certains quartzites on peut reconnaître un litage.

A la loupe on voit des alignements de petits grains de quartz enrobés par de la silice qui bouche les pores, alternant avec des alignements de grains plus gros, il n’y a pas assez de silice pour boucher tous les pores. Il s’agit d’un granoclassement.ph7-

Age trias inférieur (scythien). Fin du démantèlement de la chaîne hercynienne ; les sédiments (sables grossiers et sables fins) s’étalent en avalanches successives dans la mer qui ceinture le continent (pangée).

Origine possible : gorges du Guil, environs de Briançon (Prelles) par exemple.

–Grès-ph6- grès du flysch, crétacé supérieur, fin du remplissage sédimentaire de la mer alpine par avalanches sous-marines le long des pentes du plateau continental (turbidites), du côté de la marge active liguro-piémontaise.

Origine possible : tout autour d’Embrun (St Clément, Parpaillon, Mont Guillaume, tête de Vautisse, Clotinaille….)

Grès du Champsaur, tertiaire, déposé dans un bassin flexural à l’avant de la chaîne alpine en voie de formation (côté marge passive), suite à la subduction de l’océan alpin qui a débuté au crétacé supérieur et à la collision qui a commencé.

Origine possible: Fournel, pointe Rougnoux (champoleon), Lautaret, Vallouise…..

–Calcaires triasiques, jurassiques et crétacés-ph8- qui se sont déposés sur la croûte continentale (marge passive) pendant le fonctionnement de l’océan alpin.

Origine possible : vallée de la Durance et de ses affluents (Guil, Clarée, Guisane, Gyronde, Buech, Verdon, y compris ceux venant de la nappe de Digne).

2- Galets de la lithosphère océanique :

–Péridotites –ph9- roche grenue constituée principalement d’olivine et de pyroxènes, avec un peu de spinelles.

Orthopyroxènes :hyperstène et clinopyroxènes :diopside. C’est donc une roche riche en silicates de fer et de magnésium.

Elle constitue la majeure partie du manteau supérieur et de l’asthénosphère.

Par fusion partielle, elle donne des magmas basaltiques qui vont s’épancher dans l’océan et former la croûte océanique.

La couleur sombre est due à l’abondance des pyroxènes ; la roche initiale était une lherzolite à faible degré de fusion partielle donc peu de basaltes formés ce qui caractérise les océans à expansion lente, 2cm/an environ.

Elle est un peu serpentinisée par métamorphisme hydrothermal lorsque le manteau supérieur est en contact direct avec l’eau de l’océan, ce qui est le cas dans les alpes –ph1.

hydratée, elle gonfle et de l’antigorite et du chrysotile (minéraux serpentineux) se forment aux dépens des pyroxènes (galet de gauche, surtout).

Origine possible : haute vallée de l’Ubaye ( Maurin, pic du Pelvat), haute vallée du Guil (au dessus de St Véran, de Ceillac, d’Abriès…), source de la Durance : Chenaillet –cabane des douaniers.

–Brèche de Péridotite plus ou moins serpentinisée-ph10.

Parfois, la péridotite forme un relief ; par érosion, un éboulis se forme à son pied, puis les éléments sont soudés par de la calcite et forme une brèche, premier sédiments reposant sur le manteau supérieur.

–Basaltes-

Issus de la fusion partielle des péridotites, les liquides basaltiques s’épanchent dans l’eau. Mais le contraste de température entre le magma à 1200°C et l’eau à 4°C fait que la lave se fige, se vitrifie, forme un coussin (pillow) qui finit par casser libérant un nouveau flot de lave qui avance, se fige en un nouveau coussin qui casse …..

Il se forme un ensemble de coussins qui s’empilent les uns sur les autres, tels ceux qu’on voit encore très bien au Chenaillet-ph 11, ou en coupe transversale au pied du Pelvat en haute Ubaye donnant ainsi une image d’un fragment de la croûte océanique –ph 12.

–Brèches de coussins-

Les morceaux fragmentés des tubes de lave-ph13- se glissent là où ils trouvent de la place, sont soudés par de la calcite et forment une brèche de coussin. Soumis à l’érosion, ils sont transportés et on les trouve sous forme de galets de plus en plus petits en s’éloignant de leur lieu d’origine-ph 14-15-16.

–Hyaloclastites-

Les coussins présentent une bordure vitrifiée de quelques centimètres d’épaisseur, c’est-à-dire une enveloppe, un cortex-ph 17-18.

Une partie de ce cortex peut s’écailler, les morceaux se glissent alors entre les coussins et les brèches de coussins, se soudent et forment une roche appelée hyaloclastite-ph 19-20.

–Variolites-

L’autre partie du cortex qui reste en place est soumis au métamorphisme hydrothermal qui, par échange d’ions (Ca et Na), va transformer le feldspath calcique (labrador) en feldspath sodique (albite). L’albite blanche ayant ici une structure fibroradiée ressemble à une pustule, à un bouton de variole d’où le nom qu’on lui attribue : cortex variolitique. La Durance transporte des fragments de coussins ayant conservé leur cortex variolitique-ph 21.

Souvent, au cours du transport, le cortex est séparé du basalte du coussin, est roulé,poli, les galets ne présentent plus que des pustules et sont nommés variolites-ph22.

Origine des basaltes : haute vallée de la Durance, du Guil et de l’Ubaye.

–Gabbros-

Lorsque le magma basaltique n’atteint pas la surface, il se refroidit dans la chambre magmatique et forme une roche appelée gabbro constituée essentiellement de 2 minéraux : un feldspath plagioclase blanc plutôt calcique et un pyroxène, clinopyroxène couleur sombre-ph 23.

Mais à y regarder de plus près, on constate que les pyroxènes sont entourés d’une couronne noire de glaucophane, minéral de basse température-haute pression: il s’agit d’une couronne réactionnelle-ph 24.

Pyroxène + plagioclase + eau ———- glaucophane (amphibole bleue, noire à l’œil ou à la loupe).

Le reste du plagioclase est mêlé à de la lawsonite (ils sont sous la forme de petits cristaux)-ph 25.

Cette réaction s’est faite au cours de l’enfouissement par subduction de l’océan alpin mais elle est inachevée puisque la roche est aujourd’hui à l’affleurement.

Origine des gabbros coronitiques: haute vallée du Guil et de l’Ubaye.

Nous n’avons pas trouvé de péridotite à glaucophane, mais il y en a ; par contre voici un galet de basalte à glaucophane très abondant-ph 26.

On peut donc affirmer que c’est toute la lithosphère océanique qui a subducté à partir du crétacé supérieur.